Journées à rallonge, problème avec son responsable ou manager, conflit avec sa direction… les occasions sont nombreuses de ressentir le besoin d’évacuer son mal-être en entreprise, surtout quand on cumule une certaine expérience. Et quand on ne trouve pas autour de soi des personnes capable de nous écouter, on est tenté de s’exprimer sur internet (via les réseaux sociaux, sites d’avis comme Glassdoor, forums de discussion…) pour parler de son emploi et de son entreprise. Attention tout de même : il y a des nuances juridiques à garder en tête pour ne pas risquer de perdre son emploi.
Liberté d’expression VS droit à l’expression
Le Code du travail stipule, dans l’article L. 2281-1 à L. 2281-4, que « quelle que soit sa place dans la hiérarchie, un collaborateur peut exercer son droit d’expression sur son lieu de travail sans encourir de sanction ou de licenciement » « Le salarié est libre de dire ce qu’il pense, tant qu’il ne tombe pas dans l’insulte ou la diffamation. » C’est justement dans cette dernière phrase que réside toute la nuance, où s’arrête la liberté d’expression et commencent les insultes ?
Prenons un exemple concret : Une entreprise avait adressé un mail à tous les actionnaires, chefs de magasins et employés y travaillant. Une employée a listé par e-mail tous les points négatifs de son travail (horaires, salaire, …). Son mail, diffusé à tous les acteurs de l’entreprise (actionnaires, chefs de magasins, employés etc…) avait provoqué son licenciement. Aux yeux de la justice, cette femme était pourtant dans son droit car il n’y avait pas diffamation.
Le droit du travail est soutenu par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme qui assure le respect de la vie privée et le caractère secret des correspondances. C’est par rapport aux mots « vie privée » que les réseaux sociaux sont ambigus.Je n’aime pas mon boss
Un réseau social n’est pas un espace privé.
Un Apple Store britannique a licencié un de ses salariés pour avoir posté des commentaires négatifs sur l’entreprise. La justice a pris part au débat et a donné raison à Apple. Dans la charte des conditions de travail, le salarié avait en effet au préalable signé un accord qui l’interdisait de diffuser son avis sur les réseaux sociaux. Avec une e-réputation à tenir, Apple est un des nombreux exemples qui trace une législation encore inexistante toute seule. La justice fait en effet face à un phénomène nouveau où le traitement au cas par cas comble le manque de lois.
Sur les réseaux sociaux, les critères de diffusion sont l’arme qui protège les employés des prud’hommes. En ce qui concerne Facebook, il faut faire la nuance entre « partager avec les amis » et « partager avec les amis d’amis ». Le cercle est considéré comme privé si le nombre de personne touché par le propos est restreint et sélectif. En 2010, le conseil des prud’hommes de Boulogne avait statué en faveur de l’entreprise pour avoir licencié trois de ses salariés. Ces derniers avaient publié sur une page Facebook des critiques à l’égard de leur supérieur hiérarchique. D’après le tribunal, la page prend un caractère public dès qu’elle peut être lue par plusieurs personnes « amis de vos amis ». A l’opposé, dans une autre société, un homme a eu gain de cause en brandissant l’argument d’une discussion privé après avoir critiqué son entreprise sur le web.
En revanche, l’utilisation de Twitter pour partager des avis négatifs sur son entreprise ne peut être défendue devant le tribunal, les employés perdent toujours. Le relais d’information est beaucoup trop important pour être utilisé en bouclier juridique.
Ces affaires judiciaires et la divergence des décisions rendues sont le reflet de l’incertitude qui règne autour de la liberté d’expression sur internet. Prenez garde à vos propos car la sentence peut tomber !
Pour aller plus loin : comment gérer des difficultés relationnelles avec son manager ?